Mai 1940 :
Les Enchaînés : Inconnu-Largeau-Munier-Fontaine-Veneil-Weber-Autier-Croq


















 

Guy BOUTTIER
       "Lien"

Albert BALMER
       "Lien"

Ernest RICHARDIN
        
"Lien"

Albert COIRAL
       
"Lien"

Raymond Babylas AMORY
       "Lien"

Adrien ASTIER
       
"Lien"

Marcel RENAUDIE        "Lien"

Bernard CORDIER        "Lien"

Sylvain RESCOUSSIE
       
"Lien"

Pierre PATOOR
       
"Lien"

André LARGEAU
       
"Lien"

- Germaine
L'HERBIER MONTAGNON
       
"Lien"

Christian MAZO
       "Lien"

Hélène BOUCHER
       "Lien"

Pierre TREBOD
       "Lien"


Les futurs pilotes du NORMANDIE-NIEMEN, dans la Bataille de France
"Lien"


Vers la 1re page "Autres pilotes" : "Lien"


                Pierre Patoor, par sa fille, Fabienne

Pierre est né à Sarlat, en Dordogne,
le 27 juin 1917

Pierre Patoor (à gauche) et René Munier étaient pilotes, à Étampes, dans la même escadrille, la "4", le SPA 62, "le Coq de combat", du Groupe de Chasse 2/1, de 1938 à avril 1939, quand René est muté à la 3escadrille, SPA 94, "la Mort qui fauche". Ils vivront la drôle de guerre et les premiers jours, de la bataille de France 1940, côte à côte, à Buc.

                    

Récit de Pierre Patoor : "Un amour de locomotive" : "Lien"                                     


En 1934 : école Caudron de Royan-Médis (Charente-Maritime) :

Extrait du récit de Pierre Patoor : "Un amour de locomotive" :  "Lien"

« A dix-sept ans et demi, je suis entré à l’école d’aviation de Royan, pour faire mon service militaire. Près de 3000 autres jeunes collégiens suivirent le même chemin.

On nous avait accueillis dans des bâtiments tout neufs, sur le petit terrain de Royan-Medis où, pendant un an, nous nous sommes préparés au Brevet de pilote. Nos moniteurs se donnaient beaucoup de mal et nous étions très heureux de constater nos progrès réguliers.

L’ambiance aéronautique s’accompagnait d’exercices militaires. Plusieurs pistes d’atterrissages étaient installées dans la campagne autour de Royan. Ces pistes, très courtes, devaient nous permettre de nous entraîner aux atterrissage extrêmement courts, condition indispensable pour le genre de mission qui nous seraient demandées. Les appareils Caudron commençaient à sortir des usines.

L’examen final nous donnerait le brevet de pilote militaire et nous permettrait, en fonction du classement d’être affecté dans l’escadrille de notre choix : la chasse, le bombardement ou l’observation. Mais pour cela il fallait obtenir les meilleures places, aussi bien pour les examens militaires que pour le pilotage. Pour ma part, ce fut avec une grande joie que j’appris mon affectation à la première escadre de chasse qui stationnait à cette époque à Villacoublay et au Bourget. »...

 

 

Stèle de l’école Caudron
Photo : collection Pierre Patoor

https://www.aerosteles.net/stelefr-medis-ecole

https://www.anciens-aerodromes.com/AtlasDGACOct16/html/aero525.htm

Aérodrome communal de ROYAN - MÉDIS (Charente-Maritime) :

https://www.museedelaresistanceenligne.org/personnedetail.php?id=41965

En 1934 : école Caudron de Royan-Médis
Photo : collection Pierre Patoor

 

Vers 1934, immatriculé : F-A0DM
Photo : collection Pierre Patoor
Un Caudron C.272
Luciole
https://fr.wikipedia.org/wiki/Caudron_C.270
 

Vers 1934 :
Photo : collection Pierre Patoor

Les avions qu’il a pilotés :

1935 : Caudron C272/5 Luciole, à Royan Médis,

https://fr.wikipedia.org/wiki/Caudron_C.270

1935 : Potez 25 TOE, à Royan Médis,

 

En 1935 : il est affecté à la 1re Escadre de chasse,

Passion Militaria : https://www.passionmilitaria.com/t200973-magnifiques-rentrees-de-ces-dernieres-semaines

Accident d’un Morane-Saulnier 230
Photo : collection Pierre Patoor

Vers 1935 : accident d’un Potez 25
Photo : collection Pierre Patoor

Pissote
Photo : collection Pierre Patoor

Potez 25, N°372, immatriculé : F-A0TB
Photo : collection Pierre Patoor

En 1935, à Royan : accident du Potez 25, immatriculé : F-A0TF
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Caporal-Chef, le 06/12/1935

En 1936, à Royan-Médis, l’école Caudron : les moniteurs
Photo : collection Pierre Patoor
Devant un Caudron C.272 Luciole
https://fr.wikipedia.org/wiki/Caudron_C.270

 

En 1936, école Caudron, à Ambérieu
Photo : collection Pierre Patoor

Extrait du récit de Pierre Patoor : "Un amour de locomotive" : "Lien"

« Arrivé à Villacoublay, la rencontre avec les anciens pilotes de la 1ère escadre ne fut pas sans difficulté ! Les nombreux avantages qui nous avaient été accordés pour obtenir la qualification de « pilote de chasse » avaient soulevés une grande jalousie : nous avions été « avantagés » par le gouvernement de l’époque, qui voulait des pilotes de chasse en plus, ce qui était mal supporté par les « anciens ».

Tous les entraînements à l’acrobatie nous réunissaient devant les hangars ou l’on avait installé des fauteuils pour que les chefs de patrouille soient confortablement installés afin de suivre les vols d’entraînement quotidiens.

En fait ce sont nos mécaniciens, qui, tout en nous attachant nos bretelles de sécurité nos expliquaient les exercices d'entraînement que nous allions donner en spectacle et nous indiquaient même la manière d’effectuer les figures !

L’ambiance s’améliora très vite, notamment grâce aux « arrosages ».

A cette époque, les bars des escadrilles étaient sous la responsabilité des jeunes pilotes !…

Nous avons quitté Royan avec une foule de souvenirs après le grand examen de fin de stage. Nous étions passionnés d’aviation, persuadés dès le départ que nous avions une mission d’importance : Défendre notre pays ! »...

En 1936, à Royan : devant un Potez 25
Photo : collection Pierre Patoor

En 1936, à Villacoublay : accident d’un Nieuport 62
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Sergent, le 11/05/1936

Les avions qu’il a pilotés :

1936 : Nieuport 62, à Villacoublay Vélisy,

17/05/1936 : Caudron C490 Aiglon, à Ambérieu en Bugey

https://wikimonde.com/article/Caudron_C.490

https://musee-caudron-test2.jimdofree.com/les-appareils-caudron-survivants/

En 1937 : accident d’un Dewoitine 500 (500 ? À confirmer)
Photo : collection Pierre Patoor

Le GC 2/1, devant un Dewoitine D 510, 1937 ? De la gauche, vers la droite : le 3e Pierre Patoor, le 4e René Munier,
le 5
e Becquet, le 7e Ernest Richardin, le 11e Veniel, le 17e Jean Croq
Photo : collection Pierre Patoor

Septembre 1937, mission en Afrique (général Villemin), Tunisie, Algérie, Maroc, retour en février  1938.

Lire page "La vie de RenéMunier" : "Lien"

Peut-être avant l’embarquement pour l’Afrique ?
À gauche :
Pierre Patoor,
À droite Monfort
Photo : collection Pierre Patoor

 

À bord du Commandant Teste
Photo : collection Pierre Patoor

En 1937 : autre accident d’un Dewoitine, en Afrique
Photo : collection Pierre Patoor
Même photo sur la page "La vie de René Munier" :

Février 1938 : retour d’Afrique du Nord
Photo : collection Pierre Patoor

Février 1938 : retour d’Afrique du Nord, devant un Nieuport 62
Photo : collection Pierre Patoor

Les avions qu’il a pilotés :

06/05/1938 : Morane 406, à Étampes Montdésir

https://www.bibert.fr/Joseph_Bibert_fichiers/MS406.htm

09/08/1938 : Dewoitine 501, à Étampes Montdésir

24/08/1938 : Morane Saulnier 230, à Étampes Montdésir

26/08/1938 : Potez 25 TOE, à Étampes Montdésir

13/09/1938 : Dewoitine 510, à Étampes Montdésir

12/10/1938 : Morane 230, à Étampes Montdésir

10/11/1938 : Dewoitine 510, à Étampes Montdésir

Date ? 1938 ?
Le 3
e en partant de la gauche : Pierre Patoor
Photo : collection Pierre Patoor

Date ? 1938 ?
Prise d’Armes

Photo : collection Pierre Patoor

En 1939, GC 2/1, 3e escadrille, un Dewoitine 510
Photo : collection Pierre Patoor

Les avions qu’il a pilotés :

06/09/1939 : Dewoitine 510, à Étampes Montdésir

04/11/1939 : Marcel Bloch 152, à Étampes, vers Buc

 

1er septembre 1939, déclaration de guerre, la 1re escadre quitte Etampes-Mondésir pour le terrain de Buc (base secrète).

Extrait du récit de Pierre Patoor : "Un amour de locomotive" : "Lien"

« La déclaration de guerre du 3 septembre ne nous surprit aucunement. Tous les travaux de mobilisation se déroulèrent dans une ambiance très aéronautique. Les camarades en permission réintégrèrent les escadrilles. Peu de changement au niveau des vols. Toutefois les vols de nuit devaient être augmentés et, à tour de rôle, nous partîmes à Cazaux pour exécuter des tirs de précision.

Nous volions sur Dewoitine 510 avec comme armement, un canon de 20 mm qui tirait dans l’axe. Le matériel était bon, les pilotes aussi, les résultats exceptionnels, malgré le manque de vitesse, qui était le défaut de ces appareils pourtant pourvus de moteurs Hispano-Suiza de 800cv. Ce qui handicapait l’avion était son train d’atterrissage fixe. Impossible d’engager le combat avec un Messerschmitt allemand.

Nous descendions souvent à Paris, notamment au Café de la Paix, près de l’Opéra. Nous discutions avec les gens de l’évolution de cette guerre.

Une guerre déclarée mais qui ne commençait pas !

Notre moral était au beau fixe car on nous annonçait d’autres avions très performants pour dans quelques semaines seulement. Les pilotes se connaissaient à travers les bars et cela faisait beaucoup pour le moral.

Les Caudron nous servaient pour apprendre. Construits comme des avions de chasse, ils étaient la transformation d’un avion de sport manquant de puissance et d’un armement plus efficace. C’est ainsi que nous attendions les Dewoitine 520 et le Bloch 152. Ce dernier était équipé de 2 canons dans les ailes avec 2 mitrailleuses. La presse quotidienne relatait leur mise en service »…

 

À partir du 3 novembre 1939, les Bloch 152 du groupe de chasse 2/1, à Buc
Photo : collection Jean Croq

Groupe aérien Touring club de France

https://aeriastory.fr/environnement/aeroparc-bleriot-buc/

Vérifié avec l’ouvrage de Serge Joanne : Le Bloch-MB-152.
Page 175 GC2/1 (14 mai 1940) et page 507, au 3 septembre 1939 au 10 mai 1940 :

De la gauche vers la droite :
- De dos : Bloch 152 14N25 : codé "3", si 3e escadrille : si 4e escadrille : 241 LTN Matras
De face, 1er rang :
- Bloch 152 14N25 : codé "11", si 3e escadrille : 182 SGT Largeau (disparu
14/09/1943), si 4e escadrille : 172 SGT Brisou
- Bloch 152 14N25 : ?
- Bloch 152 14N25 : codé "1", si 3e escadrille : 178 CNE Veniel, si 4e escadrille : 504 CNE Coiral (disparu le 14/05/1940)
- Bloch 152 14N25 : codé "5", si 3e escadrille : , si 4e escadrille : 154 SGT Patoor
De face, 2e rang :
- 2 Morane Saulnier MS 406
- 1 Bloch 152 14N25 codé "2", si 3e escadrille : ?, si 4e escadrille : ?
- 2 Bloch 152 14N25

En décembre 1939, devant un Potez 63, à Buc
Photo : collection Pierre Patoor

En 1939, à Buc : alerte, à droite Richardin
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Sergent-Chef, le 01/02/1940

Du 15 au 30 mai 1940, carnet de vol de Pierre : missions de couverture
Bloch 152 N°579, 174, 154, 635, 158 663
Photo : collection Pierre Patoor

Les avions qu’il a pilotés :

14/05/1940 : Marcel Bloch 152, à Étampes, vers Buc

 

Vers 1940, devant l’accident d’un Bloch 152 (ou abattu ?), à droite : Monfort
Photo : collection Pierre Patoor

Vers 1940, en tenue de vol, de gauche à droite : "Atchoum", Richardin, Robert
Photo : collection Pierre Patoor

Vers 1940, un Bloch 152, moteur 14N49
Photo : collection Pierre Patoor

En 1940, en tenue de vol, en alerte, à Buc, devant un Bloch 152, moteur 14N25
Au centre : Richardin
Photo : collection Pierre Patoor

 

Vers 1940, devant un Bloch 152 14N49 :

De gauche à droite : SGT Monfort, SGT Patoor, ADJ Becquet, S/LTN Belland, LTN Maurin, LTN Ridray,
SGT Brisou, SGT Roquerbe, ADC Richardin

Source : ICARE-1939-40 / volume 1 : la Chasse, page 131

Le même jour :De gauche à droite : SGT Brisou, SGT Monfort, ADJ Becquet, LTN Maurin, LTN Ridray, S/LTN Belland,
SGT Roquerbe, ADC Richardin, SGT Patoor

Photo : collection Pierre Patoor

Ouvrage de Serge Joanne : Le Bloch-MB-152, page 175 GC 2/1

Le 14 mai 1940 : SGT Patoor : MB 152 N° 154, codé "5"

Page 177 : le S/C Patoor est touché, disparaît… Le S/LT belland et le S/C Patoor abattent près d’Onhaye (5 km au sud de Dinant) un BF 110 déjà mis à mal par le SGT Brisou...

Page 183 : le 28 mai 1940 : … le SGT Patoor ramène le N°633…

Page 184 : le 5 juin 1940 : Couverture de terrain

  • A/C Croq (618 "8")

  • SGT Largeau ("11")

  • C/C Brzeki (174 "9")

  • Plusieurs missions de destruction, secteur de Roye – Chaulne, dispositif emmené par LTN Brun : Destruction d’un Henschel 126 : ADJ Becquet, SGT Patoor, SGT Monfort, avec la participation de A/C Croq et S/C Duverdier.

Page 187 : le 13 juin 1940, en Bourgogne : ... Une voiture et une camionnette Matford partent pour Buc avec quelques pilotes (patoor, Duverdier, Robert) et mécaniciens afin de récupérer des Bloch 152 et du matériel laissés sur place…

Page 188 : du 18 au 21 juin 1940 : … Les SGT Duverdier et Patoor qui faisaient partie du voyage n’ont toujours pas rejoint leur unité…

Page 193 : du 20 mai 1942 : … photo du MB 152 N° 154, codé "5", accidenté, du SGT Rouere

Page 194 : victoires du GC II/1 :

14 mai 1940 : ouest de la Meuse, vers Dinant : BF 110 : S/LT belland, S/C Patoor, SGT Brisou.

5 juin 1940 : 15 km de Roye, vers Dinant : HS 126 : ADJ Becquet, SGT Patoor, SGT Monfort.

Pages 507 et 508 : GC II/1. SGT Patoor perdu du 14/06 au 24/06/1940


Extrait du récit de Pierre Patoor : "Un amour de locomotive" :  "Lien"

« C’est à cette époque que je reçu la mission d’aller, avec mon chef d’escadre de patrouille à Châteaudun, où étaient rassemblés les nouveaux appareils disponibles.

Le premier rendez-vous à Châteaudun nous révéla une grosse quantité d’avions, malheureusement tous très mal équipés. Nous n’aurions pas pu recevoir les Bloch 152n, déjà annoncés depuis plusieurs semaines sans la présence de nos propres mécaniciens.

Ces camarades mécaniciens méritent d’être signalés. Ils n’avaient qu’une caisse à outils, ce qui revient à dire que toutes les pannes des avions de chasse étaient généralement réparées en quelques heures avec du matériel récupéré sur les autres escadrilles.

A quelques jours seulement de l’Armistice, à quelques heures de l’entrée dans Paris, nous étions avec nos deux escadrilles sur le terrain de Couvron. Mon mécano sortit de la tente du commandant et cria : « Il faut deux volontaires pour aller à Paris, avant que les allemands n’arrivent ! »

Un coup d’œil à mon camarade Robert et nous levions tous les deux le bras ! Quatre de nos mécaniciens se joignirent à nous. Nous devions partir avec une camionnette Matt-Ford extrêmement rapide et maniable.

Nous avons bien travaillé, dans l’aviation, depuis le 14 mai où nous avons perdu la moitié de nos effectifs, l’autre moitié se préparant à la mission du lendemain. Nous aurions pu engager d’avantage d’avions, malheureusement, au niveau de la fabrication, il y avait des retards. Quant aux avions ayant déjà combattu, souvent une simple balle avait suffi à les rendre indisponibles pendant plusieurs jours…faute de pièces de rechange.

Notre mission était de joindre les stocks et entrepôts, tous les endroits où il pouvait y avoir du matériel indispensable pour la remise en état de nos avions, et ce…avant les allemands !

Cette situation nous obligeait à faire des recherches dans les entrepôts parisiens de l’armée de l’air. Le matin, nous nous rassemblions devant le Commandant Robillon qui nous dirigeait. Il demandait des volontaires pour chercher du matériel et surtout des parachutes, car plusieurs avions devaient partir en mission. Robert, mon meilleur camarade levait la main avec moi. On nous donnait des renseignements sur la situation à Paris, et nous partions avec nos mécaniciens et une excellente camionnette.

Malgré la température, ce 15 juin 1940, nous avions gardé nos combinaisons de vols, et nous comptions faire un aller-retour chez nous le lendemain. Nous avions choisi un itinéraire comportant surtout des petites routes. C’était une bonne idée car en moins de deux heures nous avions rejoint au sud de Paris, sans incident, notre ancienne base de Buc.

Il n’y avait pas de militaire, seulement un gardien en uniforme, qui nous accueillit en nous interdisant d’approcher du hangar où était abrité le Bloch 700, un avion de chasse très léger.

Nous avions été informés que les allemands étaient entrés dans Paris la veille. Nous n’avions plus qu’une solution : partir vers le sud.

Après avoir fait des provisions, nous avons chargé les parachutes demandés et sommes passés par les petits terrains civils au sud de Paris. Notre opinion au sujet du gardien était partagée. Certains pensaient qu’il faisait partie des espions allemands de la 5ème colonne ! Une question se posait donc : fallait-il le supprimer ?

Notre téléphone marchait encore très bien et nous avons appelé divers contacts pour savoir où étaient les allemands. Nous partîmes, cette fois –ci par la grande route d’Etampes, et à partir de Juvisy nous fûmes bloqués par une foule venant des régions du nord et par de nombreux parisiens.

Arrivés à Etampes, une forte odeur nous surpris : il nous fallut quelques moments pour réaliser que les Allemands venaient de bombarder les routes avec des bombes incendiaires et sur un mur, à l’entrée d’Etampes nous pouvions voir la trace des personnes brûlées collées au mur par l’explosion ! Stoppés au milieu de la place, nous avons cherché comment trouver à manger. Un groupe d’enfants jouait. Ils avaient découvert une camionnette abandonnée dans laquelle il y avait des chapeaux de Napoléon. C ‘était le musée de Napoléon qui déménageait vers le sud.

Après avoir récupéré des provisions, nous pouvions partir sur Joigny, en essayant de trouver d’autres escadrilles qui avaient certainement dû fuir les Allemands.

Conduire une camionnette de nuit dans une foule de plusieurs milliers de personnes fut très fatigant, mais nous avions décidé de conduire toute la nuit, par roulement.

Le pont de Joigny nous apparut en même temps que le lever du jour. Il était quatre heures du matin et c’était mon tour de me reposer mais quelques choses me forcèrent à me réveiller…J’entendis un bruit d’avion que je connaissais bien, celui des stukas. J’ai crié de sauter hors du camion et j’ai sauté moi-même. En levant la tête je vis une douzaine de Stukas. Les Allemands avaient une façon d’attaquer que nous connaissions bien. Ils plaçaient les avions à échelons reculés, ainsi les gens autour de nous croyaient qu’ils étaient passés et qu’il n’y avait plus de risque. Mais c’était une feinte pour lancer leurs bombes sur leurs objectifs, à quelques mètres près. Je criai : « Sauve qui peut ! » et rejoignis l’entrée du ponton, protégé par un contrebas. J’étais sur une femme de forte corpulence. Plus bas, plus aucune place ! J’eus peur de recevoir un éclat de bombe. Au milieu quelqu’un récitait un chapelet. Les avions finirent par s’éloigner : j’étais sauvé…

Mais qu’étaient devenus mes camarades ?

Je constatai d’abord que le pont laissait un étroit passage vers le côté sud. Par contre, je ne vis plus rien sur le pont sauf des chevaux blessés et des personnes, restées là, croyant les Allemands partis, et qui agonisaient. Après quelques minutes de recherche je constatai que j’étais le seul survivant du petit groupe ! Les bombes étaient tombées exactement sur notre convoi.

Moi qui croyais faire une escapade à Paris et rendre service à nos mécaniciens…Le bilan n’était pas bon et qui plus est je devais repartir à pied et aller plus vite que les Allemands qui eux se déplaçaient surtout à motocyclette.

Mais où aller ? Impossible de contacter quelqu’un. En plus, je n’avais que les sandales que j’avais au départ. J’avais déjà trop marché et mes pieds me faisaient souffrir.

Heureusement, j’avais dans ma musette un bâton de suif acheté à Troyes, un rasoir, un tube de Vademecum, une brosse à dent et un casse-croûte. Je m’étais souvenu avoir lu dans un livre sur Napoléon, que ses armées distribuaient des bâtons de suif, qui dans beaucoup de circonstances, avaient permis à l’Empereur de faire de longues marches.

Les cartes que nous avions choisies au départ étaient à une trop grande échelle. Heureusement, dans une des premières fermes abandonnées que je rencontrai, j’aperçus le calendrier des postes et télégraphes sur lequel figurait tous les renseignements nécessaires, routes et voies ferrées. Je me souviens en particulier que le long des lignes de chemin de fer, un petit sentier était destiné au déplacement à bicyclette. A pied ma vitesse était de 4 km/heure. Les Allemands allaient deux fois plus vite que moi. Les choses iraient beaucoup mieux si j’avais un vélo !

Une demoiselle à bicyclette descendait justement le coteau !

Et avec elle, une forte odeur de pain frais ! Il y avait une boulangerie encore ouverte et qui ne semblait pas participer à la bataille. Mais ce qui m’intéressait le plus était la bicyclette. J’appris que les allemands n’étaient qu’à quelques minutes d’Auxerre.

Je me présentai comme jeune pilote d’une escadrille que j’avais quittée la veille pour Paris, et lui expliquai que je souffrais des pieds car j’avais trop marché. J’évoquais le regret de ne pas avoir, moi aussi un vélo et lui demandai si elle ne voulait pas me le « prêter ». Elle devait demander à ses parents, à moins que le prix proposé soit acceptable. Nous avions l’habitude de conserver sur nous un billet à chaque vol en cas de besoin. Je le sortis de ma combinaison et le marché fut conclu avec la jeune boulangère.

Le temps passait et les Allemands allaient apparaître au bas de la colline. Je partis vers le sud, empruntant des petites routes très faciles et sans encombrement.

Après un quart d’heure j’aperçus enfin la ligne de chemin de fer qui figurait dans le calendrier de la poste. Le petit sentier de service était bien là. Je pouvais à présent rouler plus vite mais je n’avais rien mangé depuis la veille. Une boulangerie sur mon chemin n’avait plus de pain. Le bois pour le four n’ayant pas été livré. La visite de plusieurs fermes ne donna pas de meilleurs résultats. Leurs propriétaires étaient partis le matin après avoir entendu les bombardements.

Je me sentais rassuré car je commençais à gagner de la vitesse devant les Allemands. La ligne de chemin de fer descendait en direction du midi. Tout était calme… Le ciel était vide : aucun avion ! Je devais pouvoir rejoindre la Loire en une ou deux heures. Je traversai une petite gare où le personnel maintenait un fonctionnement normal. J ‘en profitai pour faire le plein d’eau et pour téléphoner à un organisme capable de prendre en compte ma situation. A noter que pendant ces journées le téléphone continuait à fonctionner sur un fort pourcentage de l’ensemble du territoire.

La bicyclette de femme n’était pas en très bon état et gémissait à chaque tour de roue. Dans un virage je découvris l’arrière d’un wagon, puis plusieurs autres tous recouverts d’une grande bâche de camouflage. J’accélérai pour arriver à la locomotive. Le train était arrêté, car me dit-on le mécanicien et le chauffeur parlaient allemand. En fait ils étaient alsaciens et parlaient le dialecte ! Ils avaient refusé de faire avancer le train avec des signaux fermés. Autour de la locomotive, une vingtaine de militaires estimaient que les Alsaciens devaient être faits prisonniers et enfermés dans un wagon. Certains disaient qu’ils appartenaient à la 5ème colonne et qu’ils attendaient l’arrivée des Allemands. Un très jeune officier semblait exercer le commandement et ma tenue de pilote de chasse facilita tout de suite le dialogue avec lui. Je pris part à la discussion pour rappeler que la guerre concernait maintenant tout le pays et qu’il ne fallait pas traîner. Il y avait risque d’être fait prisonniers. On entendait de temps en temps des coups de feu isolés. En fait nous avons appris par la suite qu’il ne s’agissait pas d’Allemands tirant sur des français mais de chevaux blessés qui étaient abattus. Le chauffeur et le mécanicien furent enfermés dans un wagon. Ma très faible connaissance des problèmes alsaciens et lorrains ne me permit pas d’intervenir en leur faveur. Aussi, j’insistais surtout pour faire repartir le train. C’était un grand train avec 2 batteries de canons énormes. Une bonne occasion de sortir des zones dangereuses !

« J‘ai appris à conduire une locomotive quand j’étais plus jeune à Sarlat…. »

Autrefois, j’allais chaque jeudi au terrain de sport, juste à côté du dépôt de locomotives. Tous les chauffeurs et mécaniciens savaient que j’étais le petit fils de Madame Fauret, la sage-femme. Et c’est sans doute pour lui faire plaisir qu’un jeudi, alors que je m’étais approché d’une locomotive en train de tourner, on me proposa de mettre en route une des machines du dépôt.

« Eh Pierrot, viens avec nous ! » Un soir ils m’annoncèrent : « Ce soir tu vas passer ton baptême de conducteur de loco, tu vas la rentrer tout seul ! » Puis, après quelques essais on me proposa même de la conduire jusqu’à la plaque tournante. Estimant que j’avais réussi, les mécaniciens me donnèrent le titre de « mécanicien de locomotive ». Même sans diplôme officiel, je devenais ainsi mécanicien à vie.

La discussion était ouverte, et pressé de quitter les lieux, je proposai de poursuivre le voyage vers le sud si l’on me trouvait un chauffeur. Un soldat se proposa : il n’avait conduit jusqu’à présent que des locomobiles. D’après lui, le foyer était excellent et il y avait assez d’eau dans le tender pour une centaine de kilomètres. Plus d’hésitations, tout le monde reprit place sur le train, deux des soldats restèrent avec moi sur la loco afin d’assurer de bonnes liaisons entre les wagons.

Dans le tender, nous avons trouvé du matériel, notamment un jeu de splendides burettes, récipients qui servaient à mettre l’huile épaisse pour lubrifier les roulements de la locomotive, que nous avons graissés tranquillement. Toute la matinée nous avons fait des petits sauts de puce sur des voies de chemin de fer que nous ne connaissions pas. Beaucoup de soldats étaient paysans et ramenaient le lait frais, mais ils ne trouvaient aucune nourriture. Il ne nous restait plus beaucoup de biscuits de guerre. Quelques bouteilles de vins trouvées dans des fermes abandonnées amélioraient l’ordinaire.

 

 

Un jeune caporal nous expliqua ce que nous devions chercher dans les gares abandonnées. Presque toutes les gares étaient maintenant vides et fermées, certaines, au contraire complètement ouvertes. Nous cherchions les bâtiments, nous forcions les serrures pour trouver toutes sortes de colis, certains avec de la nourriture assez diverse : champagne, biscuits et même rhum Negrita d’excellente qualité. Pendant plusieurs jours ce ravitaillement constitua nos repas. On ne pouvait pas s’arrêter assez longtemps pour faire cuire des poulets ou des canards. Cependant ce problème de ravitaillement nous faisait perdre notre avance sur l’ennemi. Même sans le voir, sa présence était réelle. Les détonations variées s’intensifiaient. Tout le monde se sentait mieux quand le train roulait.

On ne signalait aucune désertion, mais nous étions sans nouvelle d’une unité de rattachement.

Avec étonnement nous rencontrions des wagons isolés avec des voyageurs abandonnés près de petites gares. Quelqu’un fit courir le bruit que l’armée de la Loire réquisitionnait les locomotives pour les ramener, mais le lieutenant ne voulut pas le croire. Après plusieurs arrêts pour débloquer les aiguillages, souvent après une longue discussion avec les chefs de gare, le lieutenant s’intéressait de plus en plus aux conditions de vie de sa troupe.

Les Allemands n’étaient pas loin, aussi des fuyards essayaient de monter dans notre train. Les ordres étaient précis : tous les soldats isolés avaient interdiction de monter. Le ravitaillement posait de plus en plus de difficultés. Pour détendre l’atmosphère nous avons annoncé qu’il allait y avoir du café, grâce aux sacs de café vert trouvés dans le hangar aux colis de la dernière gare.

Du côté de la locomotive tout marchait bien, si ce n’est que nous avions frôlé la catastrophe. Dans chaque gare il y avait un château d’eau et l’eau par gravité, passait dans la locomotive. Nous nous étions donc arrêtés chaque fois que nous avions trouvé un endroit favorable pour faire le plein d’eau. D’autres fois, nous avions été obligés de faire de l’eau avec des sacs en toile qui faisaient partie de l’équipement du train. Juste à hauteur de nos yeux le niveau d’eau indiquait ce qu’il restait dans le tender. A ma stupéfaction le tube était vide ! Nous manquions d’eau et risquions l’explosion ! Je demandais au lieutenant d’éloigner les soldats. Avec le chauffeur nous allions improviser pour essayer de rétablir le niveau. Nous pensions être en sécurité grâce au plomb de la machine qui était calibrée à 16 de pression. Tout se passait bien et nous pouvions repartir. Notre vitesse maximale ne dépassait pas 15km/h. A chaque arrêt nous nous réunissions pour discuter afin d’améliorer la situation. Pour le café nous avions trouvé des sacs de jute et nous le faisions griller avec les pelles de la locomotive. Au moins nous ne risquions pas de manquer de vapeur pour le café ! En plus, nous avions mis dans chaque wagon quelques bouteilles de rhum et des biscuits. Les fermes devenaient rares et de moins en moins souvent abandonnées. Tout semblait aller pour le mieux. Mon seul souci était celui de l’équipe en titre de la locomotive car ils avaient pris la fuite. Une enquête rapide montra que c’était les soldats du génie qui les avaient délivrés.

Entre temps nous avions discuté avec un garde-barrière, Alsacien lui aussi ! Il avait insisté sur le fait que les alsaciens ne parlent pas allemand mais un dialecte et que cette locomotive venait de Metz.

De toutes façons le problème était réglé puisqu’ils avaient disparu. Nous ne savions toujours pas notre destination. Du côté de la SNCF tout était disloqué et l’on sentait la peur s’installer sur notre parcours.

Un renseignement intéressant, notre ligne de chemin de fer permettait de rejoindre Clermont-Ferrand. Nos soldats ne souhaitaient pas abandonner le train, c’était le leur. Nous formions une très bonne équipe, nous ressemblions à des bandits corses. Je n’avais avec moi qu’un tube de dentifrice et les barbes poussaient rapidement.

La nuit arriva, il nous fallait rester immobile et nous cacher en attendant le lever du jour. Nous dormions à tour de rôle. Pour ma part, je restais sur la locomotive, un bloc de charbon pour oreiller. Nous étions sur une voie de garage. Pendant la nuit nous avions de longues discussions avec les militaires provenant de toute la France, certains même de Belgique. Un incident pendant la nuit, un avion de reconnaissance allemand nous a survolé et a fait plusieurs passages avant de disparaître. Craignant une attaque nous sommes repartis avant le lever du jour.

Les combats importants étaient arrêtés, on aurait presque pu dire « faute de combattants » car ils reculaient. Les éléments de l’armée commençaient à parler d’armistice. Pour tout le train nous n’avions qu’une mauvaise radio de poche, nous ne pouvions pas compter trouver des renseignements valables. Les Allemands maîtrisaient très bien les émissions de radio pour couvrir les informations sur tout le territoire. La plupart d’entre nous découvrait le Maréchal Pétain. Dans les gares il y avait à présent au moins un gardien. Le téléphone avait dû marcher pendant que nous dormions quelques instants, nous savions à présent que notre destination dépendait de Clermont-Ferrand. Cela réconforta tout le personnel. Le lieutenant demanda un court arrêt pour faire notre inventaire. A notre surprise il n’y eut aucun manquant et le moral s’améliorait d’heure en heure.

L’arrivée à Clermont ne surprit pas le jeune Lieutenant. Il avait le devoir de passer des renseignements secrets. Dans une gare précédant l’arrivée, j’essayai une fois encore de contacter mon escadrille.

« Ils sont en déplacement, comme vous, et vers le Sud, bien entendu… » Le bruit courait que les Allemands ne s’étaient pas arrêtés et envahissaient rapidement tout le territoire. Ma tenue de vol continuait à me faire passer pour quelqu’un de très qualifié pour la conduite de la locomotive.

 

 

J’appris que les escadrilles avaient été repliées sur des terrains de desserrement. Les liaisons téléphoniques étaient bloquées au profit de quelques unités qui se préparaient à l’arrivée des allemands. C‘était dérisoire mais ça méritait une mention, car jusqu’à présent dans cette guerre, je n’avais vu l’ennemi de près que dans le collimateur en visant un Messerschmitt 110 que j’avais détruit.

L’ordre de notre départ venait d’être donné.

Un jeune gradé crût savoir que nos canons seraient acheminés jusqu’à Alès afin d’être récupérés. On nous annonça une ligne très difficile comprenant plus de cent viaducs, des tunnels et en voie unique pour ajouter à l’ensemble. Il était surprenant que l’on prenne le risque d’utiliser une voie si exceptionnelle car nous dépassions mille tonnes. Nous devions nous arrêter dans un important dépôt de charbon. C’était l’occasion de nous ravitailler. Notre 140 CALVF ne consommait pas autant que nous l’avions craint. Pour nous, tant que la machine tournait avec ce bruit si particulier et surtout un son de petit cheval à cause du piston sur le devant de la machine…

On nous donna une locomotive supplémentaire car les rampes étaient parfois très dures. Notre lieutenant avait lui-même négocié le changement de la locomotive : elle fut placée en tête. Nous sommes repartis tout de suite. Nous devions approcher d’une grande ville car les routes que nous croisions étaient très encombrées. Il y avait une foule avec des engins de transport les plus divers. Lentement ils gagnaient le sud de la France. Des groupes de soldats armés accentuaient l’impression de désordre. Nous ne savions pratiquement rien de ce qui se passait dans le reste de la France. Du côté de notre train, tout fonctionnait normalement, la chaudière réglée à 16 de pression. Plusieurs contacts téléphoniques nous informèrent de l’activité du Maréchal Pétain pour conclure l’Armistice. La France était coupée en deux avec une zone libre et une zone occupée par les envahisseurs. Ne me demandez pas comment ces informations pouvaient circuler jusqu’à nous !…

Avec le bruit bien spécial de notre locomotive, nous entrâmes lentement dans une gare, les panneaux indiquaient Clermont-Ferrand. Sur les quais de nombreux aviateurs semblaient surpris de notre arrivée et spécialement de ma…combinaison de vol qui était mon seul vêtement !

Il n’y avait pas d’arrêt prévu, on nous avait donné une nouvelle destination pour le ravitaillement.

Un dernier coup d’œil sur la jauge et nous repartîmes. Le moteur sonnait à son rythme particulier et semblait nous souhaiter bonne chance pour la suite de la journée. Nous allions sans doute trouver devant nous l’Armée de la Loire. Beaucoup de français crurent en cette Armée. Un regroupement de forces importantes cherchait à empêcher le franchissement de la Loire. Tout au long du trajet nous allions trouver des armes abandonnées. Les soldats allemands pour ne pas être pris les jetaient dans les puits ou les rivières où on les a retrouvées des années plus tard.

Le sous-officier qui connaissait des soldats du génie, dont la mission était de faire sauter les ponts pour que personne ne passe, expliqua à tous ceux qui étaient rassemblés pour écouter que nous devions passer de l’autre côté sans attendre. Mais ceux-ci répondirent qu’ils avaient des ordres précis et qu’ils devaient « sans attendre » faire sauter le pont. La situation n’était pas claire aussi je n’intervins pas dans la discussion. Les soldats furent surpris de découvrir que sous les bâches des wagons il y avait de gros canons avec munitions. Ils laissèrent donc passer notre train vers le Sud, cette manœuvre s’inscrivant dans l’Armée de la Loire qui était peut-être en formation, et nous repartîmes.

Après une demi-heure, un nouveau bruit sur la locomotive nous surprit : un méplat sur une roue, sans doute dû à un coup de frein malheureux. Les soldats se réunirent à nouveau, et je leur expliquai que le train pouvait avancer avec ce défaut.

Les soldats du train interdisaient l’accès aux fuyards français qui étaient de plus en plus nombreux. Des tirs de canon se firent entendre derrière nous. De rares avions allemands qui possédaient d’excellents matériel de prise de vue nous survolaient. Nous fûmes surpris qu’aucun civil ne tente de fuir en même temps que nous. Les charges de dynamites étaient restées en place sur le pont, aussi fîmes-nous avancer notre train avec une grande précaution. Arrivés de l’autre côté de l’eau, nous avons tous éprouvé un sentiment de victoire quoi que la situation ne le méritât pas vraiment. Nous fûmes obligés de nous arrêter à la première gare. Les soldats savaient que le mécanicien et le chauffeur d’origine avaient été faits prisonniers et ils cherchaient à recevoir des ordres par téléphone. Nous fûmes prévenus qu’il était dangereux de rouler à vue. Nous avons passé outre à cet ordre et c’est à faible vitesse, entre zéro et 20kms/h que nous sommes arrivés à la prochaine gare.

Nos soldats nous indiquaient des bruits inquiétants venant de la campagne. L’ordre d’envoyer un peloton fut donné. C’était le bétail qui n’avait pas été nourri et surtout les vaches laitières qui souffraient du manque de traite.

Tout le monde remonta à sa place et cette brave locomotive chanta à nouveau le chant de la route accidentée. Il était temps de faire de l’eau. On distribua tous les seaux en toile, et chacun cherchait un petit ruisseau ou une marre qui serait accessible pour faire une noria, une chaîne de main en main. Félicitations à notre chauffeur de locomobile qui maintenait depuis plusieurs heures un foyer réjouissant.

Je surpris quelques soldats tenant une réunion dans un des wagons, pour échanger des idées sur une revanche possible.

La voie unique que nous utilisions commençait à monter et il fallut pousser les feux. A l’occasion de nos arrêts fréquents nous apprenions à nous connaître parfaitement à l’aide de nos sifflets.

Au cours de ces entraînements arriva une catastrophe. Nous fûmes obligés de nous arrêter dans une courbe prononcée, la locomotive de tête restant à l’extérieur.

En voulant repartir, le son du sifflet fut couvert par un bruit assourdissant : sous l’effort, le wagon-dortoir dans lequel dormaient les soldats fut coupé en deux. Quelle frayeur dans le train ! En plus nous étions éreintés et tellement déçus de ne pas pouvoir continuer à avancer... Les feux n’étaient pas assez vifs pour démarrer tout de suite.

Du wagon coupé en deux, il ne restait pas grand-chose, tout était irrécupérable, certains morceaux furent conservés en souvenir. Nous étions vraiment bien loin du contact avec les Allemands. Nous avons couvert le train avec des signaux qui étaient stockés et une patrouille fut envoyée en avant avec un code de signaux pour faire passer les informations. Une des patrouilles revint en courant car elle venait de voir dans une petite gare, sur une voie de garage une batterie de canons encore plus gros que les nôtres, abandonnée par quelques soldats. Ces derniers avaient attaché des cordes entre les canons et y avaient suspendu leur linge à sécher.

Le vieux monsieur qui servait de chef de gare ne parut pas étonné de notre arrivée et précisa qu’il avait averti toutes les personnes compétentes afin de signaler notre passage.

Quelques kilomètres plus loin, il fallut s’arrêter à nouveau. Notre employé de la SNCF nous mit en garde : pour descendre la côte il fallait prendre des précautions pour ne pas ébranler les piliers du viaduc. Des spécialistes étaient venus vérifier. C’est pour cette raison qu’ils avaient bloqué les canons que nous avions vus. Le train passa donc sans soldat, nous n’étions que quatre sur la locomotive parmi lesquels l’excellent chauffeur amateur dont nous ne pouvions plus nous séparer. Le chef de dépôt de charbon où nous étions pour ravitailler posa quelques colles à notre chauffeur suspectant que ce n’était pas un vrai chauffeur de la SNCF. Il s’agissait par exemple de donner la quantité de panières de charbon pour remplir le tender au maximum. Le chiffre à trouver était 19 et notre amateur s’en tira avec 20 et pas un morceau de charbon ne tomba par terre.

Beaucoup d’émotion quand on lâcha les freins pour que le train aille de l’autre côté du viaduc. Notre vitesse était lente et un des chefs de gare remontait à vélo pour nous donner les informations. Plusieurs trains montants ou descendants étaient bloqués, nous étions, sans le savoir au cœur d’un embouteillage ferroviaire.

Par petits bonds nous avons continué pour voir enfin la gare d’Alès. Notre belle locomotive avec mon vélo de dame sur le devant avait mené à bien sa mission.

Quel accueil !

A mon arrivée, je « pris un savon » par un officier très galonné de la guerre 14-18. Bien que je me sois présenté correctement, j’étais couvert de cambouis, de poussières de charbon et pas rasé ! Je me rappelle que je n’avais avec moi, au moment de la démobilisation au pont de Joigny qu’un tube de dentifrice et un bâton de suif…

« C’est vous, avec votre tenue qui nous avez fait perdre la bataille ! » me dit le commandant en continuant à me réprimander. J’arrivai enfin à placer un mot pour lui donner le numéro de téléphone de mon escadrille. Le ton changea. Il me tendit soudain le téléphone en disant : « Je vous passe le commandant de votre groupe au téléphone, ils sont sur le terrain de Valensolle… »

C’est mon mécano, qui m’annonça la bonne nouvelle : « Pas de nouveau tué ni disparu, mais un retour à l’unité de cinq blessés. Des patrouilles prévues dans la région de Valence et de Vienne… »

Mon mécano vint tout de suite me chercher avec ma voiture qu’il avait réussi à sauver de la débâcle.

Je quittais le train, jetant un dernier coup d’œil sur ma belle locomotive.

Malheureusement je ne pus aller dire au revoir au lieutenant qui avait été appelé dans un Etat Major voisin.

Je garderai toute ma vie le souvenir d’un amour de jeunesse… pour une locomotive. »



Pierre Patoor

Les avions qu’il a pilotés :

12/08/1940 : Marcel Bloch 152, à Étampes, vers Buc

06/11/1940 : Marcel Bloch 152, Le Luc

03/07/1942 : Dewoitine 520, Le Luc

Carnet de vols, juillet 1942
Dewoitine N°510, 534, 631
Photo : collection Pierre Patoor

Carnet de vols, août 1942
Dewoitine N°534,
Marcel Bloch N°147
Photo : collection Pierre Patoor

Carnet de vols, septembre 1942
Dewoitine N°534, 520
Photo : collection Pierre Patoor

Carnet de vols, octobre 1942
Dewoitine N°534
Photo : collection Pierre Patoor

 

https://www.avionslegendaires.net/avion-militaire/dewoitine-d-520/

26/11/1942 : Dewoitine 520, Le Luc

Carnet de vols, novembre 1942
Dewoitine N°534
Photo : collection Pierre Patoor

 

Le maquis

https://www.museedelaresistanceenligne.org/personnedetail.php?id=41965

En mai 1943, Pierre Patoor va rejoindre son beau-père Régis Billaud qui était Principal du Collège Considérant à Salins-les-bains.

La devise de cette région étant : « Comtois, rends-toi ! Nenni ma foi ! ».

Il n’est pas surprenant que très vite il ait rencontré des résistants au sein même du collège puis dans la région. Pour ne pas attirer l’attention, il prend le titre de professeur d’Éducation physique!

Il devient l’adjoint du professeur de mathématique Roger Robbe pour organiser des réunions et le collège devient le PC local de la résistance.

Il est nommé Adjudant, le 01/10/1943

En mars 1944, il est trop dangereux d’y rester et Pierre rejoint la clandestinité au maquis d’Ivrey.

Il est nommé Lieutenant, le 01/04/1944

Il est nommé Capitaine FFI, le 01/07/1944

De nombreux sabotages vont avoir lieu, comme par exemple, celui de 7 locomotives en gare de Mouchard en janvier ou d’un pont près de Pontarlier.

La faïencerie de Salins-les bains a résumé tous ces actes de bravoure sur un service qui permet de ne pas les oublier !

En décembre 1944 il rejoint les combattants volontaires de Franche-Comté dont l’histoire est raconté en détail sur le site :

https://excerpts.numilog.com/books/9782307308218.pdf

Les Combattants volontaires de Franche-Comté.
Historique du 1er Régiment de Franche-Comté.
1ère Armée Française,
1944-1945.
Rhin et Danube.

https://excerpts.numilog.com/books/9782307308218.pdf

 

Le 1er régiment de Franche-Comté est dirigé par le Lieutenant-Colonel Sarrazac-Soulage dit Lagarde. Pierre prend la tête du 1er bataillon dit Escadron du Jura, le 2ème bataillon est sous les ordres d’Edouard Filarder dit  Duchène, futur général. Après de nombreuses batailles, le 19 novembre, ils entrent à Gérardmer puis ils prennent le Hohneck le 3 décembre, et surtout ils le conservent !

 

 

Prise du Hohneck, le 3 décembre 1944, par le 1er Groupe d’Escadrons

Plaque commémorative : la prise du Hohneck, le 3 décembre 1944, par le 1er Groupe d’Escadrons
Photo : collection Pierre Patoor

La bataille du Hohneck est une bataille de la Seconde Guerre mondiale qui s'est déroulée du 3 au 14 décembre 1944 au Hohneck, dans le massif des Vosges. 40 soldats y sont morts et une centaine de prisonniers se sont rendus à l'ennemi. Elle est aussi surnommée la « Sidi Brahim des neiges » en référence à la bataille de Sidi-Brahim.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_Hohneck

Faïencede Salins, maquis 1944
Photo : collection Pierre Patoor

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fa%C3%AFence_de_Salins

 

Il est nommé Capitaine A-Air, en 1945

 

Après la guerre, 1946

Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Capitaine, en 1946

Peut-être après le libération, à Meudon, à gauche : Patoor (grade de capitaine ou Commandant?)
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Capitaine de réserve, le 06/12/1949

Il est nommé Commandant, le 01/01/1952

Il est nommé Lieutenant-Colonel, le 01/06/1959

Il est nommé Colonel

Pierre quitte le service actif, en 1949.

Puis, il a créé et fût responsable du centre d'entrainement desréserves Ordinaires (CERO) à Essey-lès-Nancy

Il est nommé Capitaine de réserve, le 06/12/1949

 

https://www.passionpourlaviation.fr/tag/essey-les-nancy/


À gauche : Sauberli – à droite : Patoor
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Commandant, le 01/01/1952

Il est nommé Lieutenant-Colonel, le 01/06/1959

Les avions qu’il a pilotés :

01/02/1953 : Morane Saulnier 472 Vanneau II, Nancy-Essey BA121

https://fr.wikipedia.org/wiki/Morane-Saulnier_Vanneau

29/01/1954 : Nord 1101 Ramier, Nancy-Essey BA121

https://aviationsmilitaires.net/v3/kb/aircraft/show/1998/nord-aviation-nord-1100-noralpha

18/06/1954 : Caudron C449 Goëland, Nancy-Essey BA121

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Caudron_C449_Goeland_1273_FAF_RWY_15.03.47_edited-2.jpg

29/06/1954 : De Haviland Vampire, Nancy-Essey BA121

https://fr.wikipedia.org/wiki/De_Havilland_DH.100_Vampire

30/06/1956 : Morane Saulnier 472 Vanneau II, Nancy-Essey BA121

https://fr.wikipedia.org/wiki/Morane-Saulnier_Vanneau

Vers 1960
Photo : collection Pierre Patoor

Il est nommé Colonel

Vers 1980 : Colonel Pierre Patoor
Photo : collection Pierre Patoor

Ses décorations, de gauche à droite :

Légion d'honneur, Médaille Militaire, Ordre National du Mérite, Croix de Guerre 39/45,
Médaille de l'Aéronautique, Médaille de la Résistance, Médaille des Blessés Militaires. 
Photo : collection Pierre Patoor


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François Iung, fils aîné de la fille Anne, de René Munier.
francois1.iung@orange.fr